Tuesday, December 8, 2009

L'autre visage

de "La Grange"
Repère incontournable pour ceux qui veulent laisser leur imagination se reposer un peu ! En effet, pas besoin d'imaginer, il suffit d'observer et tout le Monde de l'incroyable se révélera à vous !

C'est en prenant le petit chemin qui longe la grosse maison verte de la rue du 6 septembre que vous atteignez un abri en planches mal équarries, (et même avec des trous pour les manquantes) comme s'il avait été monté dans la précipitation et pour des fins temporaires sinon éphémères. Ce furoncle posé sur le mur d'une maison, est-ce un cabanon pour ranger des outils ? Ou des "pipi room" ancien style ? Ni l'un, ni l'autre ! A travers les interstices, on repère quelques affiches : pas de motos ni de playmates, ce sont des affichettes de concerts ou de spectacles plutôt "alternatifs".

Mince, ça y est , le mot est lâché ! Je ne peux donc pas faire durer le suspens plus longtemps ! Effectivement, vous voilà devant le lieu "alternatif" du centre ville, devant l'entrée très recherchée d'un bar de fortune -pour ne pas dire "destroy", 'hard metal" ou "rock'n'roll gothique"- installé dans une grange, laquelle a déjà essuyé ses heures de gloire (sans beauté, certes) il y a bien longtemps -du temps de la deuxième guerre mondiale, lorsqu'elle avait été investie pour servir d'imprimerie clandestine.

Je suis passée par ici de bonne heure un samedi matin, après que toute la faune ait quitté les lieux pour aller se reposer de sa longue nuit bruyante, enfumée et éclairée uniquement à la bougie, que ce soient des cierges ou des petites bougies à thé. La porte était entrouverte. Face à l'entrée, dans la nuit artificielle de la pièce aveugle, une ampoule électrique hurlait de tout son éclat jaune paille prisonnier du filament et bavait de désespoir quelques-uns de ses rayons crus sur le mur noir tout proche. Impossible de faire un pas de plus : une puissante odeur de tabac froid ancestral m'avait déjà agressé la gorge avant de s'incruster, tenace, dans mes cheveux. Un bruit mat et régulier m'intriguait pourtant. C'était le va-et-vient d'un balai effrangé, fatigué de se frotter à la suie, à la crasse, à la noirceur indélébile. Lorsqu'il se retrouvait plongé dans les abysses infernales d'un seau sans couleur, il ne dégorgeait certainement que des bulles alourdies par toutes les ombres denses ayant été piétinées la nuit précédente... Voilà ce que j'ai pensé en apercevant ce balai usé. Fort concentrée, une femme de ménage passait la "lavette" sur les dalles noires et défoncées. Elle s'est arrêtée au bout d'un long moment, m'a regardée un instant puis demandé ce que je voulais. Impossible de lui répondre autrement que par un sourire, de la saluer et de reprendre le chemin de la sortie, derrière les planches branlantes, pour respirer au soleil frais, à grandes goulées gourmandes. A chaque inspiration, j'attisais cette illusion de me délester un peu plus de l'Odeur du lieu. Et puis, il me fallait remettre en grande hâte mes idées en place tout en accueillant avec bonheur les toutes premières impressions de surprise, de peur, d'écoeurement, de dégoût et de fascination mêlées.
Y avait-il une mezzanine ? En voyant les drôles de petites ouvertures donnant l'idée d'un visage déformé qu'aurait pu peindre avec moult détails Archimboldo, voire -plus proche de nous- Magritte, on peut le supposer, mais à l'intérieur, tout était plongé dans une telle noirceur que les lignes se fondaient dans l'obscurité. Il faudrait s'y rendre pour de vrai, un vendredi soir vers minuit, par grand froid, avec un masque à oxygène pour les asthmatiques ! Avis aux amateurs !

Ah, Curiosité, tu n'as pas ta Déesse, mais les Grecs auraient quand même dû y songer ! Je t'aurais adressé une petite pensée pour te remercier de m'avoir guidée jusque par ici ! Merci aussi à Lucile pour m'avoir dégoté l'adresse...


____________________________________________
Rue du 6 Septembre, 5 décembre 2009, 6°C.

No comments:

Post a Comment